jeudi 23 avril 2009

Brazil

« You don’t exist any more, I deleted you » est une réplique qui paraît intervenir dans Brazil comme une déclaration d’amour. Comme le dit un peu brutalement le titre d’un autre film, on ne meurt que deux fois. C’est la première mort qu’il faut atteindre, c’est la première mort le bonheur, la promesse d’amour. Qu’est-ce que la première mort ? la mort du lieu, la mort de l’espace des jours, la disparition dans la nature. Or cette première mort-là a déjà eu sa péremption, elle n’est déjà plus envisageable à l’époque de la génération de Sam Lowry, car il y a eu dans le passé une explosion. Non pas une petite explosion comme celles qu’on voit passer de magasins en restaurants, manigancées par des groupuscules d'agitation, mais une explosion qui a rendu l’autre part de la terre dévastée, qui a laissé un sol ruiné, tari sur son passage. Il y a eu un effacement des terres. Erased. Deleted. Quel bonheur possible y a-t-il à cela ? Il n’y a même pas une chance de bonheur. Que fait-on de cette première mort, comment la trouver belle ? On doit bien vivre pourtant, être heureux, aimer, semble vouloir signifier le film par une sorte de projection à cinquante ans d’événements qui n’ont pas eu lieu. Sam Lowry n’aime pas Central Services. Il n’aime pas beaucoup la centralisation en général. Il est nettement plus heureux dans un environnement décentré. Dans le rêve. Dans la folie cérébrale. Dans son courage de couloir bien particulier, qui ocille entre la peur heurtée comme une œillère et la curiosité en concordance miraculeuse avec son rêve. Lowry a le courage de la curiosité. Il s’incarne dans le nom crypté de son père sur la poudre, puis sur les touches de l’ascenseur, car son père qui est Jeremiah et dont le cryptogramme est ERE I AM JH, lui donne accès à la quête ultime, à l’ultime acte de bravoure de son statut de héros, celui d’effacer une vie du registre. Du cadastre généralisé. Donner la mort pour donner la vie, en quelque sorte, comme c’est d’ailleurs un peu l’opinion du prophète Jérémie à son propre égard. Sam, fils de Jeremiah, a reçu pour héritage de pouvoir donner vie par la mort. Par la vie effacée. Est-ce que Sam est un Samuel comme Jeremiah fait penser à un Jérémie ? acquiert-il les emblèmes du cycle de Samuel, et son père acquiert-il les emblèmes du cycle de Jérémie ? Y a-t-il dans cette assonnance hébraïque des prénoms le motif d’une prophétie ? Et quel bien aurait eu la mort de Jérémiah sur la poursuite d’une prophétie ? Quel bien a-t-il eu de mourir au tout début de la construction de l’empire, au temps où sa femme était jeune et lorsque l’avenir refleurissait, avec Mister Helpman à ses côté, très jeune et plein d'espoirs ? Pourquoi a-t-il manqué si vite ? Il est resté dans un cryptogramme. A-t-il su ce qui allait se passer ? A-t-il su qu’il permettrait ainsi un jour à son fils de penser et d’accomplir l’effacement d’une vie pour le salut de cette vie ? Si c’est son nom qui forme le cryptogramme, le cryptogramme de son côté parle de lui-même, et donne même une sorte de réponse. « Here I am, JH ». Me voici. Je suis ici, JH. Who’s JH, oh right he’s the missing letters, yeah but ok but who is he ? The first part makes a sense, so why not the end of it ? Ok Ere’s not here but there’s clearly a prononciation here. So who is the guy named JH with a swaying voice at the end of the sentence, who stands for these initials ? Il y a comme une identité en plus dans ces deux dernières lettres, un être supplémentaire, entre l’appellation invocative et le diminutif familier, JH : comme des consonnes dont il faut imaginer les voyelles qui entourent. 

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